MEZZALAMA 2017
RAPPORT DE COURSE
par JEFF RIVEST
Compléter la Mezzalama c’est :
- Gravir 3200 Mètres sur 40 km en haute montagne
- Franchir le premier ‘cut-off’ à 1800M continue en altitude avant 3hrs et un deuxième ‘cut-off’ 3 heures plus tard
- Atteindre une altitude maximum de 4200 M et passer la moitié du parcours entre 3400 et 4200M
- Supporter les effets d’altitude en effort intense
- Maitriser le ski alpin dans :
- des conditions de neiges qui varient tout au long de la descente
- les couloirs abrupts (de glace ou bossés)
- les pistes à bosses gelées, dont la profondeur de certaines bosses atteignent 1métre
- la poudreuse
- la neige durcie et croutée qui défonce et la neige de printemps molle
- sur des skis de course ultralégers de 60 cm de large
- et skier toutes ces conditions en cordée de trois
- 3 x boot pack* totalisant 850 M de D+
- 1 x Boot-pack* de couloir de glace noire de 55 % pendant 300 M continus
- S’adapter à la température de -25 C (sans le facteur vent) à + 20 C durant la course
- Franchir des crevasses avec échelle en cordée, crampons aux pieds, ski sur le dos et bâtons dans une main
- Si hisser sur des murs de glace noire en enfonçant ses 2 pointes de crampons par de violents coups de pied malgré les orteils qui s’écrasent au fond de vos bottes
- Courir sur des crêtes, crampons aux pieds et en cordée
- Supporter des vents et rafales de 80 km/h qui nous fouettent le corps et nous empêche de communiquer
- N’avoir aucun vertige et de ne pas se laisser impressionner par le terrain de haute montagne
- Garder toute sa tête pour ne pas perdre pied en courant parce qu’une perte d’équilibre pourrait être fatale
- Manipuler cordes, harnais et mousquetons
- Manipuler les Via-Ferrata avec mains gelées
- Avoir des connaissances d’avalanche et de glacier
- Courir en bottes de ski au départ et à l’arrivée dans le gazon mouillé et la boue
- Trouver 2 autres partenaires :
- avec une attitude de guerrier en qui vous faites 100 % confiance
- avec les mêmes expériences de skis et en montagne
- avec qui la communication restera calme et de sang-froid en situation critique
- qui ont une volonté de fer de se rendre au bout, malgré les défis imprévus qui viendront nécessairement rendre l’aventure d’autant plus exigeante que l’on peut l’imaginer
La Trofeo Mezzalama c’est la course mythique du ski d’alpinisme. Cette année c’était la XXI édition. Seulement 900 coureurs (300 équipes) sont sélectionnés pour y participer. Le parcours s’échelonne sur 40 km avec 3200 mètres de montée. La Patrouille Des Glacier est d’autant plus longue en distance (55 km) tandis que la Pierra Manta est celle avec le plus grand dénivelé (10,000M/4jours), mais la Mezza c’est celle avec le parcours le plus difficile de par les exigences techniques, combinés à l’altitude.
En 2015 seulement la moitié des équipes auront franchi les ‘cut-off’. Cette année seulement les 2/3 auront complété le parcours. Le calibre augmente chaque année avec la popularité du sport qui grandit à l’internationale.
Pour ma 2e participation, j’y étais inscrit avec deux amis de longue date, Phil Deguire et Leigh Quilliams. Ces gars sont des coéquipiers de confiance, avec qui je sais que je peux m’aventurer pour aller ‘à la guerre’, aller ‘à fond de train’ et réussir une des plus grandes aventures de ski inimaginables.
La météo a permis le départ de la course le jour prévu contrairement à plusieurs années antérieures ou les conditions météo forçaient l’organisation à remettre le départ au week-end suivant.
L’objectif ultime n’étant que de terminer cette course, nous avions comme premier but de franchir les ‘cut-offs’ à temps, et enfin la ligne d’arrivée, peu importe dans quelle position cela nous placerait.
L’ascension de Breuil-Cervinia nous a pris 2 h 40 min Nous étions 132e à ce premier ‘cut-off’. Les épreuves plus difficiles commençaient après. C’était le début du ski en cordée, la traverse des glaciers, des crevasses, la grimpe des murs de glace et l’affrontement de ce que les plus hautes Alpes allaient nous mettre en pleine face…
La crête du Castore impose de maintenir son équilibre sur une pointe de 2 pieds de large à 4200 m d’altitude avec des rafales de plus 70 km/h. Les crampons aux pieds, toujours en cordée, le regard droit devant pour éviter de voir les précipices des deux côtés.
Arrivant devant le mur de Lyskiam, nous devions franchir une grimpe de 200m de glace noir. Quelques coureurs devant nous étaient immobilisés par leur incapacité de grimper ce mur de glace. Cela nous a laissés coincés et nous fait perdre plusieurs minutes avant de pouvoir repartir de plein gré. Tous les coups de pieds violents pour s’agripper à la glace nous auront fait saigner les orteils, mais nous aurons réussi.
Dès que la descente fut commencée, mon ski s’est enfoncé sous la croute et m’a fait trébucher tête première instantanément. Une vilaine chute qui aurait pu être grave si ma fixation ne s’était pas brisée avec la force de l’impact. Mes partenaires ont réussi à s’arrêter et éviter de s’embourber dans la corde.
Nous étions arrêtés pour quelques minutes à tenter de réparer une autre fixation. Accroupis avec nos outils, nous nous sommes relevé les jambes figées pour repartir vers la descente finale avec une fixation toujours en mode télémark!
Nous avons complété le parcours en 8h05 en 96e position. Le sentiment de l’accomplissement de ce grand défi de ski nous a donné des frissons jusqu’au retour à la maison. Le sourire nous revient aussitôt qu’on repense à tous ces moments intenses que la Mezza nous a fait vivre!
Avec 50 équipes professionnelles, une position dans les 100 premiers est fort satisfaisante. Nous avons tout le respect du monde pour ces équipes (hommes & femmes) qui nous ont devancés de plus de 3 heures!!
Vous pouvez voir les résultats ici